Jemia et J.M.G. Le Clézio
Photographies de Bruno Barbey
Edition Stock : 1997 - 118 pages
Ce livre est le carnet de voyage d'un
« pèlerinage aux sources », il est magnifiquement illustré par le photographe Bruno Barbey.

On pourrait presque lire ce livre un peu comme un conte des mille et une nuits tellement cette histoire est extraordinaire : Une princesse prénommée Jemia part à la recherche de son royaume
et de son peuple perdus avec l’aide de son prince Jean Marie Gustave.
Cette histoire est pourtant vraie, Jémia existe réellement, c’est la compagne de JMG le Clézio. L'histoire familiale de
cette femme est un peu particulière, elle est issue d’une ethnie saharienne, ses grands parents ont vécu l’exode, des longs mois de marche « (…) vers les plaines fertiles du nord, vers Taroudant, Marrakech, puis vers les grandes villes ou ils
trouvaient de l’eau, du travail, des magasins. p.76 ».
Pour ce couple, tout a commencé par un rêve devenu obsédant. Ensuite JMG Le Clézio a écrit son roman « Déserts » pour donner une plus
grande réalité à ce rêve, et un jour il est devenu réalité : Leur rêve était de remonter aux
origines, revenir aux sources, faire le chemin en sens inverse des grands-parents de Jémia et retrouver la tribu de Jemia ; les "Ahel Mouzna" qui veut dire "Gens des nuages", ce peuple à la poursuite de la pluie.
Vous êtes prêts pour l’aventure, alors montons dans la jeep auprès de ces deux
grands voyageurs hors du commun !
On franchit d’abord les portes du désert, dans la vallée du Draa, C’est par cette route que le couple nous emmène pour ce long périple en nous expliquant peu à peu la complexité des ethnies, des tribus, des différents peuples
qui habitent le désert et leur douloureuse histoire peuplée de guerres, de révoltes et d’insurrections et leur lutte permanente contre les envahisseurs : français, espagnols, anglais, turc,
chrétiens……..
Les noms des villes, des différents peuples et des
ethnies, sonnent comme des noms magiques : La Hamada du Draa, le Gaa, L’Imrikli, d’Oued Noun, le Jbel Tiris, Smara, Les Aït Jmal, le peuple des chameaux......

Et puis le désert est là
partout, terre aride et brûlante, sans vie aucune pour nous occidentaux, mais Jémia rêvait de ce paysage, « Ce pays qu’elle porte sans doute dans sa mémoire
génétique. Jemia s’est tue toute cette journée : c’est son pays, le pays le plus ancien, et en même temps le plus jeune, une terre que l’âge des hommes n’a pas marquée p. 31 ».
JMG est heureux
d’être là mais pour d’autres raisons, on connait les idées de cet
« écrivain philosophe » qui a eu vite conscience des excés de nos civilisations occidentales. Pour lui ce voyage est initiatique, il vient chercher des réponses aux dérives des
sociétés modernes.
"(...) Lorqu'on vient du désert (et de ce désert plus terrible encore qui est celui des villes modernes), on
entre ici dans une aire de recueillement, d'énergies. p. 51".
« (…) Mais les grandes civilisations qui ont
éclairé le monde ne sont pas nées au paradis ; Elles sont apparues dans les régions les plus inhospitalières de la planète, sous les climats les plus difficiles. P. 43 ».
Il y a deux points importants dans ce voyage :
La visite "du tombeau de Sidi Ahmed el Aroussi" qui est un grand moment d’émotion pour ces voyageurs.
« Nous sommes entrés dans le tombeau. Nous avons poussé la porte de la grille qui l’entoure et sommes entrés.
P.62. »
"Sidi Ahmed el Aroussi" est un homme qui a su
unifier les nomades pour en faire un peuple équilibré vivant dans la simplicité, c’était un homme épris de justice autant pour les hommes que pour les femmes. Beaucoup de légendes courent à son sujet, on pourrait le comparer à Jésus.
Et la vue de "Tbeïla le rocher" ce lieu secret perdu dans le désert est un endroit de légende pieuse.

C'est là que les disciples de "Sidi Ahmed el Aroussi" sont venus, années après années jusqu'à la mort du prophète suivre son enseignement.

On s’enfonce de plus en plus dans ces régions désertiques, à la rencontre des gens qui y vivent, ils sont les derniers nomades de la terre.

Sans oublier les enfants du désert :
« (…) Mais ce sont les yeux des enfants qui sont
les vrais trésors du désert. Des yeux brillants, clairs comme l’ambre, ou couleur d’anthracite dans des visages de cuivre sombre. P.76 ».
Le voyage continue, au rythme lent du désert, et devient
peu à peu une véritable leçon de vie, de tolérance et d'humanisme au coeur de cette civilisation millénaire.
Ce livre date de 1997, les idées qui s'en dégagent sont pourtant de plus en plus actuelles et font echo aux problèmes graves que nous rencontrons dans nos métropoles surpeuplées : pollution,
éducation, crise fiancière...
Ce livre m'a véritablement passionnée, j'ai aussi beaucoup appécié le style de JMG Le Clézio, la poésie et l'intelligence de sa pensée qui se dégagent de chaque phrase, la pertinence des
mots.
J'ai aussi aimé la façon dont le couple raconte cette épopée. Ils emploient le "nous" puis à d'autres moments, Jemia parle de son mari, puis c'est JMG qui parle de sa femme,
et de nouveau, ils utilisent un langage commun comme quand ils parlent de leurs filles au double héritage familial.
Le désert : "(...) Un langage éternel, une perfection sans
temps, une vérité sans corps. p.111"
D'autres lectrices de JMG Le Clézio : Lisa et l'article de Julien pour le roman Onitsha.