Edité chez Actes Sud en 1989
Un groupe d'amis, des exilés forcés de la révolution russe, profite des premières chaleurs de ce mois de juin 1940. La guerre s'installe et leur moral est morose. L'héroïne de cette histoire, Maria Léonidovna, lance un jeu pour donner un peu de gaieté à cette soirée. Quels sont les personnages célèbres que l'on aimerait ressusciter ? Chacun s'amuse à ce jeu et propose des noms Napoléon, la Reine Victoria , Pouchkine, Tolstoï.... Maria dit : "moi je ne ressusciterais que Mozart, oui, c'est cela, Mozart, pensa Maria, je n'ai besoin de personne d'autre, et d'ailleurs ce serait inutile. (extrait du livre).
Il resterait avec nous jusqu’au matin, il jouerait du piano ou il nous parlerait. Et tout le monde viendrait le voir et l’écouter, le jardinier des voisins avec sa femme, et le postier, et l'épicier avec se famille, et le chef de gare...Quelle joie ce serait (extrait du livre)
Paris est bombardé, Maria reste seule dans sa maison proche de Paris en compagnie de son beau-fils. Les militaires commencent à s'installer dans les villages, les souvenirs des précédentes guerres reviennent parmi les habitants. Tout le monde vit dans la peur et l'angoisse. C'est dans cette atmosphère pesante qu'un homme se présente à Maria et lui demande l'hospitalité pour une nuit. Qui est cet homme à l'allure et aux vêtements insolites ? Est-ce un militaire, un déserteur, un espion ? Il dit à Maria qu'il est un civil, il est musicien. Maria installe le mystérieux inconnu dans une annexe de sa maison.
La guerre jette des milliers de gens sur les routes. Maria doit aussi fuir de nouveau, les russes qui vivent en France connaissent déjà la douleur de l'exil. Au milieu de cette débacle, l'énigme autour du mystérieux musicien s'intensifie. Personne ne le remarque, il se présente la nuit à Maria pour dormir à l'annexe et s'en va la journée. Ce musicien est-il Mozart ressuscité, ou plutôt son allégorie appelée grâce à l'imagination de la maîtresse des lieux pour venir enchanter des lieux désertés par la musique, et ainsi alléger les pensées de Maria que la guerre oppresse, même si elle est une femme à la forte personnalité qui ne veut pas avoir peur, parce que les russes n'ont plus peur.
Nina Berberova nous décrit avec précision l'angoisse de la population face aux menaces de la guerre. Le besoin de rêver et de se raconter une autre histoire que celle que l'on ait en train de vivre permet peut-être de mieux supporter l'horrible réalité. Nina Berberova mêle ses talents d'écrivaine à cette page d'histoire. L'intervention de Mozart est la petite touche fantaisiste qui donne à cette nouvelle une originalité qui perturbe avec finesse la logique du lecteur.
Nina Berberova était à Paris pendant cette période qu'elle décrit dans ce livre, ce qui permet de penser qu'elle s'est décrite sous les traits de son héroïne Maria Léonidovna.
" Pourquoi l’horreur, la cruauté, l’affliction se matérialisaient-elles si facilement, s’incarnaient-elles dans une image concrète, n’en oppressant l’âme que davantage, et pourquoi le sublime, le tendre, l’imprévu, le charmant effleuraient-ils le cœur et les pensées comme une ombre, sans qu'on pût les saisir, ni les regarder, ni les palper ? (Extrait du livre).