Rien ne s'oppose à la nuit
Edition Jean Claude Lattès : 2011
Delphine de Vigan est issue d’une grande famille à la française, ce lieu « privilégié » où l’on grandit, protégé par ses parents et entouré de ses frères et sœurs. L’enfance construit notre vie d’adulte, forge notre personnalité, notre caractère. Mais que se passe-t-il quand l’enfant devenu adulte « dérape » et ne peut plus avancer sur le chemin de sa vie ?
Delphine de Vigan a fait une anorexie à 19 ans, qu’elle raconte dans son premier roman « jours sans faim ». Sa mère se suicide au moment de la parution de son livre « les heures souterraines », beaucoup d'autres souffrances comme celles-ci jalonnent son histoire familiale.
Delphine de Vigan a écrit ce livre pour exorcicer ce passé douloureux. Ce livre essaie de répondre à une question essentielle : notre inconscient recueille t-il les névroses des générations passées ?
Que s’est-il passé, en raison de quel désordre, de quel poison silencieux ? La mort des enfants suffit-elle à expliquer la faille, les failles ? Car les années qui ont suivi ne peuvent se raconter sans les mots drame, alcool, folie, suicide, qui composent notre lexique familial au même titre que les mots fête, grand écart et ski nautique. (Extrait de la page 179)
Je ne me suis jamais vraiment intéressée à la psycho-généalogie ni aux phénomènes de répétition transmis d’une génération à une autre qui passionnent certains de mes amis. J’ignore comment ces choses (l’inceste, les enfants morts, le suicide, la folie) se transmettent.
Le fait est qu’elles traversent les familles de part en part, comme d’impitoyables malédictions, laissent des empreintes qui résistent au temps et au déni. (Extrait de la page 283)
Delphine de Vigan veut comprendre quel est le rôle de sa famille dans ce mal-être et décide pour cela de franchir les murs de l’intimité familiale. Elle va gratter le vernis, secouer les mémoires endormies et découvrir peu à peu l’espace secret qui renferme les non-dits enterrés là depuis plusieurs générations.
Cette histoire est-elle commune à toutes nos familles ? Pour ma part, j'ai retrouvé dans ce livre certains traits, des similitudes avec ma propre famille. En effet, la cellule familiale dans les années 60/70 fonctionnait selon des codes bien définis. Les rôles sociaux du père et de la mère, l'éducation des enfants et la communication entre les différents membres étaient complètement différents de nos modèles familiaux actuels.
Avec beaucoup de respect et de finesse, Delphine de Vigan écorche "la sacro-sainte" famille, et lève le voile sur l'image idyllique du bonheur familial.
En lisant ce livre, on ressent ô combien Delphine de Vigan a dû réfléchir, choisir chaque mot, chaque phrase, chaque réflexion avant de l'écrire. Le sujet est audacieux et dangereux mais grâce à ses talents d'écrivain, Delphine de Vigan nous offre là, un roman rare et précieux.