La confession négative
Edition Gallimard : collection Folio / édition 2009 et 2010 - 506 pages
Je remercie les éditions Gallimard pour l'envoi de ce livre
Un petit mot sur l'auteur :
Richard Millet est un écrivain français natif de la Corrèze. Il a écrit environ une cinquantaine d'ouvrages, pourtant il est très peu connu du grand public. En effet, cet auteur se démarque de la génération des écrivains contemporains par une attitude très en retrait et très critique de la littérature actuelle et de la culture moderne en général qu'il trouve très médiocre.
Un point de vue qui se défend, puisque Richard Millet puise ses références littéraires uniquement auprès des grands écrivains français qui vont de Bossuet à Claude Simon.
C'est le deuxième roman que je lis de cet écrivain. En lisant La confession négative, j'ai été tout aussi subjuguée qu'après la lecture de la gloire des Pythre. J'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir cette maîtrise de l'écriture, ce style tranchant et surtout cette vision de la vie, ce réalisme qui ne laisse pas beaucoup de place à la beauté du monde et une analyse des êtres humains taillée au scalpel. On imagine que chaque mot, chaque phrase, ont été travaillées longuement avant d'être couchées définitivement sur le papier.
La confession négative n'est pas un roman mais un récit.
Le récit d'un homme qui va partir à la guerre uniquement pour être en harmonie avec sa passion de la littérature.
Incroyable ! et pourtant c'est ce que nous explique Richard Millet dans ce récit, dont il est le héros et la littérature sa raison d'agir.
Avant de vivre cette aventure, Richard Millet explique qu'il y a d'abord eu les lectures de l'enfance souvent volées aux heures de sommeil. C'est là, au cœur de la nuit faiblement éclairée par une bougie que les livres déterminent sa vie future.
A l'âge de vingt-deux ans Richard Millet décide de partir au Liban : « Le voyage en Orient » de Gérard de Nerval va faire de Beyrouth sa destination littéraire.
Mais il y part avec un but précis : devenir écrivain. C'est pour cela qu'il veut faire la guerre.
Car dit-il : "oui la guerre seule peut donner à l'écrivain sa vérité. Sans elle, que seraient Jünger, Hemingway, Faulkner, Céline, Drieu La Rochelle, Malaparte, Soljenistine, Claude Simon, pour ne pas parler d'Homère ? "(Extrait de la confession négative page 26)
Faire la guerre, tuer pour mieux servir l'écriture : étrange confession que l'auteur nous livre avec beaucoup de réalisme, de finesse et d'intelligence tout au long de ces 500 pages, mais aussi avec une certaine froideur car il écrit :
Je n'aimais pas davantage mon prochain, sauf sous une forme littéraire, et ne le supportais qu'en me disant qu'il pourrait nourrir un jour mes écrits. (Extrait de la confession négative page 21)
Richard Millet s'engage auprès des forces phalangistes chrétiennes, ainsi il se confie une fois de plus, car ce choix n'est pas anodin. Si cette guerre est pour lui un moyen de mieux servir la littérature, le choix de son camp est déterminé par ses idées qui l'emmènent envers et contre tout à faire un choix politique.
En effet de 1975 à 1976, le Liban fut le théâtre d'une guerre dévastatrice entre des forces opposées sur son propre territoire. Des enjeux extrêmement complexes « pour les non initiés comme moi mais qui a puisé des informations sur le net et dans l'encyclopédie Larousse !! » Alors pour faire court, cette guerre a opposé les phalangistes chrétiens (chrétiens maronites) plutôt pro-israéliens contre les musulmans libanais (sunnites, chiites et druzes) alliés aux palestiniens.
Ce récit est foisonnant d'idées, de réflexions, mais aussi d'images de la guerre, car Richard Millet ne nous épargne rien de l'horreur au quotidien d'un pays en conflit. A la fin de la guerre, « le grammairien » comme l'appelait ses camarades est reparti dans ses terres limousines pour devenir écrivain. Vivre une telle expérience, c'est aller au bout de soi-même, au bout de ses convictions. C'est peut-être là que l'on puise l'essence même de la création. Est-ce le message que veut nous transmettre Richard Millet en nous livrant cette « confession négative » ?
Un récit qui fait réfléchir, qui remue, qui dérange. Cette lecture me donne envie de lire aussi "Voyage en Orient" de Gérard de
Nerval.