Du domaine des murmures
Carole Martinez : éditions
Gallimard / 2011 - 200 pages
Prix Goncourt des lycéens 2011
Quand la nouvelle est tombée cet après-midi, j'ai sauté de joie. Ce roman n'a pas eu le Goncourt mais il a eu mieux le Prix Goncourt des lycéens. Plaire à des adolescents n'est pas chose facile. J'ai discuté avec certains qui participaient au jury et ils n'étaient pas du tout emballés par certains titres, mais "Du domaine des murmures" n'a pas eu droit à son lot de grimaces, alors je me suis dit en mon for intérieur que peut-être.........
Et bien je remercie les adolescents du jury du Prix Goncourt des lycéens pour ce choix.
J'ai terminé le roman ce matin et je dois dire que ce roman nous emporte avec dextérité dans les dédales complexes d'un Moyen-Age mystique et dangereux.
Carole Martinez nous raconte que si on se promène près de l'ancien château du domaine des Murmures dans la vallée de la Loue, il se peut que l'on voit :
Quelques glaives lumineux zèbrent d'or les sous-bois comme dans les enluminures d'un vieux livres de contes" (Extrait page 13)
Et que l'on entende :
"Non, ce lieu est tissé de murmures, de filets de voix entrelacées et si vieilles qu'il faut tendre l'oreille pour les percevoir. De mots jamais inscrits, mais noués les uns aux autres et qui s'étirent en un chuintement doux".
"Les voix liquides des femmes oubliées qui suintent autour de nous" (Extrait de la page 13)
A la manière d'un conte, Carole Martinez nous raconte l'histoire d'une belle jeune fille de 15 ans qui habite un beau château et qui va se marier avec son prince charmant. Non, elle ne nous raconte pas cette histoire là, c'est celle que l'on raconte aux petites filles. A nous, elle raconte la même histoire mais d'une autre manière. C'est l'histoire d'une jeune fille qui va se marier sur les ordres de son père à un rustre chevalier qui passe son temps à l'art de la guerre et quand l'envie lui prend, viole en toute impunité, les filles qui croisent son chemin.
Cette jeune fille s'appelle Esclarmonde, elle a décidé de dire non aux dictats imposés par son père et par toute une société. Alors comment dire non quand on est une femme ? comment échapper à sa destinée quand on vit à une époque où les femmes n'ont aucun droit. Et bien, il existe un seul échappatoire : le Christ.
Christ était puissant dans l'esprit des femmes de mon époque. Christ seul pouvait tenir les hommes en échec et leur arracher une vierge. (Extrait de la page 25)
Esclarmonde choisit de devenir une recluse, de finir ses jours emmurée. Après avoir assisté à son enterrement, la jeune fille ne fait plus partie du monde des vivants. Sa nouvelle vie sera consacrée à la prière, et à faire le lien entre Dieu et les hommes.
Je n'en dirais pas plus sur cette histoire qui est pleine de rebondissements, et d'inattendus.
Ces recluses ont réellement existé au Moyen-Age. C'étaient des femmes fortement mystiques et exaltées qui s'emmuraient volontairement et à vie. Mais c'était aussi des femmes qui voulaient échapper au mariage. Ce choix était considéré comme héroïque et équivalait à la chevalerie au féminin, elles faisaient l'objet d'une grande vénération. Ce mode de vie a quand même duré 10 siècles, il a pris fin au XVIIème siècle.(lu sur différents sites Internet)
Carole Martinez nous offre avec ce roman une plongée dans le Moyen-Age mystique et religieux qui faisait régner la peur dans le seul but d' asservir le peuple et de maintenir leur pouvoir. Ce qui m'a beaucoup amusée ce sont les passages sur les trafics d'ossements de saints et de reliques en tout genre. Nous n'avons pas inventé les produits dérivés, au Moyen-Age, ils étaient déjà très forts pour ce commerce facile et très lucratif !
Une photo de la vallée de la Loue, le décor du roman.