Anthologie du rouge aux lèvres
Le mois des japonaises proposée par Anis,
son blog Littérama (l'histoire littéraire des femmes) ICI
Ce livre fait partie aussi de mon challenge Dragon feu
organisé par La culture se partage
Traduit du japonais et présenté par Dominique Chipot et Makoto Kemmoku
Poésie en édition bilingue
Collection de poche éditée chez Points : 265 pages
Ce sont deux hommes qui présentent cette anthologie.
On peut les remercier pour ce travail parce que ce livre est une petite merveille.
L'introduction de cette anthologie explique les origines des Haïkus, cette poésie typiquement japonaise. Mais comme énormément de livres sont sortis sur le sujet, Dominique Chipot et Makoto Kemmoku se contentent de nous donner une explication simple sur la technique de ces petits poèmes japonais qui peuvent laisser perplexe un esprit occidental !
Les poètes écrivant des haïkus se nomment : Haïjins
Extrait de la définition du Haïku : poésie courte de 31 syllabes composées de deux parties : un distique de 14 syllabes (7-7) répond à un tercet de 17 syllabes (5-7-5) L'auteur s'appuie sur le tercet, souvent coup de projecteur sur la nature, pour exprimer, tout en retenue, son émotion dans le distique.
Les 2 auteurs expliquent aussi leur choix de présenter une anthologie exclusivement de haïjins japonaises : "car trop longtemps les francophones n'ont pu lire que des haïkus japonais écrit par des hommes.... Il est vrai que pendant la guerre, les hommes dominaient la société du Haïku au Japon. Les femmes étaient en revanche très présentes dans le monde du roman ou du tanka".
Il n'a pas été facile pour ces poétesses de faire entendre et reconnaître leur poésie dans ce monde d'hommes du haïku d'avant - guerre.
Cette anthologie présentent les haïjins japonaises dans l'ordre chronologique de leur naissance afin que lecteur puisse appréhender la singularité de chacune :
L'amour, la souffrance, le quotidien nous apparaissent chaque fois sous un regard nouveau.
Cette anthologie présente des Haïkus écrits à partir du 17ème siècle jusqu'à nos jours.
Une petite biographie de quelques lignes présentent chaque poétesse.
Le livre commence par les poèmes de Chigetsu Kawaï, épouse d'un commerçant, elle est la soeur aînée du Haïjin Otokuni Kawaï. on ne connaît pas leur année de naissance et de mort.
Cette haïjin japonaise était disciple de Bashö, elle a souvent invité le maître dans sa maison, et l'a aidé au quotidien. Sa poésie est représentative de l'école de Bashö, pour des explications plus approfondies sur ce poète ICI
Ces Haïkus "féminins" sont des réflexions quotidiennes sur la vie. Ils sont souvent très pertinents avec un un humour décapant qui m'a beaucoup fait rire. Mais ils sont aussi très graves, quand il s'agit de parler de la maladie et de la mort.
Quelques Haïkus retenus au grè de cette lecture.
Chiegetsu Kawaï (vers 1640-1718)
12 haïkus présentés dont celui-ci :
Une pousse de bambou
si laide dans sa graine :
un guerrier en armure
Shizunojo Takeshita (1887-1951)
Je suis une femme
refusant obstinément
d'acheter le journal.
Un vague démon des livres
joue, ce soir
dans la sombre bibliothèque.
Kanajo Hasegawa (1887-1969)
Je pose une gentiane
sur la natte de jonc,
comme un homme.
Toshiki Tonomura (1908-2000)
Les bambous perdent
leur écorces...que dois-je enlever
pour guérir ?
Je comprends
qu'une fleur tombe,
en tombant malade.
Mizué Yamada (1926-)
J'attrape un escargot
qui m'a résisté
légèrement.
Hitomi Okamoto (1928-)
Porter le deuil
et mon dernier devoir d'épouse -
kimono d'automne.
Dans cette anthologie, il y a aussi un chapitre consacré aux haïkus de la bombe atomique qui malheureusement sont en résonnance avec l'anniversaire de la catastrophe de Fukushima.
Hiroshima :
Sous un soleil brûlant
je ramasse dans un seau
les os chauds.
Sumiko Tsujimura
Une petite fille
retourne avec force plein de cadavres,
cherchant sa mère.
Tokiko Takahashi
Je donne le sein,
brûlé par la bomba A,
à mon bébé, brûlé aussi.
Masako Kawakami
Nagasaki :
Les dépouilles de cigales aussi
seraient-elles brûlés par la bomba A ?
Terre et ciel silencieux.
Sueko Yoshida
La jeune fille souriait ce matin.
Ses habits d'été sont maintenant
imbibés de sang.
Sueko Yoshida
Ma maladie atomique
ne guérira jamais -
Clair de lune.
Ishi Funazu
Je vous invite vraiment à la découverte de cette anthologie. Ces haïkus sont des réflexions de femmes délicates, originales et pertinentes. Un peu complexe à notre mentalité occidentale, c'est néanmoins un vrai bonheur de lire et de méditer cette poésie.